Une seconde, deux, et je pivote. Je relève la tête au moment où l'éclat lumineux de Lux Aeterna passe vers le vide. Je ne réfléchis pas. Alors accroupie, je pousse vigoureusement sur mes jambes ouvrant mes ailes et battant sèchement pour me propulser plus rapidement en avant. Le combat aérien reste mon point fort. J'ai fait l'effort de rester au sol en continu jusque là, mais il faut bien que je passe au degré supérieur, j'imagine.
La garde de l'épée retrouve ma main que je suis déjà en train d'amorcer une vrille. Arrêt, à l'extrême bord du toit, dérapage maîtrisé. Un coup vigoureux du pied, et je repars vers l'avant. Une poignée de secondes écoulées, quelques dizaines, peut-être, depuis mon premier saut. J'entre au contact, épingle sa jambe de ma lame, pivote, pour passer derrière lui, et décoche ma jambe à l'arrière de ses genoux. Il n'y a plus qu'à encourager pour le faire basculer sur le sol, à plat ventre. Je pourrais l'achever d'un geste. Il pourrait me déloger d'un autre, aussi, et j'en ai conscience. J'ai déjà refermé mes ailes pour les protéger, relever ma garde.
« Rentre chez toi. Ne gêne pas ta vie aux orties par fierté. Je ne te suivrais pas. Crois-tu que ma seule occupation consiste à protéger un mortel qui ne croit pas ? A combattre celui qui ne croit plus ? Dernière chance. »
Oh, je ne le tuerais pas. Mais on peut faire bien assez mal pour immobiliser sans tuer. S'il me laisse faire.
« Tu es un adversaire valeureux. Restons-en là. »
***
Extrait de la réponse de Mikhaïl : La bataille ne tourna pas à l'avantage du Russe qui se retrouva bientôt en position se faiblesse. La douleur déclenchée par le coup de lame dans sa jambe lui donna presque envie de hurler, mais il s'en abstint. Puisqu'elle le tenait à sa merci, il jugea inutile de continuer à rester invisible et désactiva le disposition en même temps que celui qui lui permettait de la repérer. C'était presque étrange, la perspective de mourir ne l'effraya pas dans l'immédiat et il ressentit juste un énorme regret de ne plus être là pour voir ce qu'aurait donné sa relation avec son fils – et Gabrielle, évidemment.
Mais alors qu'il était en train d'imaginer ce qui allait se passer d'ici quelques secondes, la femme l'étonna en lui ordonnant de rentrer chez lui. Pourtant, ses paroles avaient laissé entendre qu'il ne partirait pas d'ici en vie ! C'était une humiliation supplémentaire qu'il n'interpréta pas comme un geste de bonté, mais uniquement comme une manière de lui montrer qu'elle lui était supérieure. La pitié était un sentiment qu'il commença à haïr.